Il y a quelques semaines, une patiente m' a offert des jolies statuettes représentant les trois singes de la sagesse. Merci M.
Les trois singes de la sagesse sont une représentation désormais populaire, ils trouvent leur origine en chine, chez Confucius IVème siècle avant notre ère, ils sont ensuite introduits dans la tradition bouddhiste par un moine, Xuanzang au VIIème siècle. On les interprète comme ne pas voir, ne pas dire, ne pas entendre, mais quoi ? Le mal dit la tradition, ainsi, si on ne se laisse pas pénétrer et qu'on ne l'exprime pas, il ne peut pas nous atteindre et impacter nos existences. On considère qu'a chaque fois que l'on regarde le mal, qu'on l’écoute ou qu'on l'exprime, il s'imprime en nous et insidieusement pénètre notre être. Pour s'en protéger, on se cache donc de lui, on lui barre la route.
En les installant chez moi, juste sous mon regard, sur mon bureau, j'ai commencé à les contempler et elles ont commencées à me questionner et m’inspirer.
L'interprétation de base ne me convient pas, ça ne me plaît pas de me dire que je suis potentiellement victime de quelque chose dont je dois me protéger. Cela implique la peur du mal et pire, la peur de ce que je risque, du châtiment. Bien que nous soyons baignés dans cette tradition judéo-chrétienne de la punition, et de la menace de l'enfer si nous ne sommes pas sages, je ne m'y identifie pas. Et leur origine est après tout bien loin de notre territoire et trouve sa source dans des traditions spirituelles pluri-millénaires, il y a forcement autre chose à en entendre. J'ai donc envie d'en lire autre chose, et voilà ce qu'ils m'inspirent, ces trois petits singes.
Ne pas dire
A mes yeux ne pas dire n'est pas une privation, c'est un apprentissage, apprendre à se taire, apprendre à entrer en soi avant de s'exprimer.
Nous exprimons et disons souvent beaucoup de choses au travers du filtre de nos émotions, de notre égo, de notre mental, de notre propre histoire... Nous ne sommes quasiment jamais objectifs, nous ne sommes d'ailleurs pas faits pour l'être. Nous exprimons ce qui est surface, ce qui nous est accessible, le symptôme, mais rarement nous descendons à l'origine de ce qui bouge en nous pour dire de cet endroit-là.
Poser la main sur ses lèvres, c'est s’offrir de questionner à partir de quel endroit je vais dire, quelle voix s'exprime en moi ? Est-ce celle du cœur, de l'émotion, de la frustration, d'une part de l'être qui appelle ? Qu'est-ce qui s'exprime en moi ? Qu'est-ce que j'exprime de moi ?
Ce que je m’apprête à dire est-il juste pour moi ou pour l'autre ? Ce que je suis sur le point d'envoyer à l'autre le concerne-t-il vraiment ou ne serait-ce pas pas plutôt à moi d'en prendre la responsabilité ?
Poser la main sur ses lèvres revient à tourner sept fois sa langue dans sa bouche, pour s’offrir le temps de questionner, ce qui de soi s'exprime. Se taire pour mieux s'écouter, faire le clair. Écouter sa voix avant de la faire résonner.
Combien de fois avons nous dit sous le coup de l'émotion et regretté ensuite. Combien de fois avons nous dit à partir de nos blessures et blessé à notre tour.
S'offrir le temps du silence avant de dire c'est aussi s'offrir de mesurer ce qui va être prononcé jusqu'où cette onde sonore va se propager et s'imprimer ?
Lorsque nous disons nous n'envoyons pas que des sons, qui en eux même sont une charge vibratoire qui va impacter autrui, nous envoyons aussi du sens, une intention, et cela aussi va avoir un impact. Un mot, un seul, peut détruire, ou construire. Dire à son importance, on ne peut prononcer, faire vibrer, pour ensuite se dédouaner d'un « je ne le pensais pas ». Le mal est fait, la vibration s'est installée, le sens s'est distillé.
Au commencement était le verbe n'est-ce pas ? Se taire c'est prendre la responsabilité de se pouvoir de dire. Être honnête avec soi en se questionnant sur ce qui est en train de s'exprimer et user du verbe avec bienveillance envers autrui. Les mots construisent ou détruisent, et les mots peuvent devenir des maux. Parfois quelques secondes les mains sur nos lèvres, peuvent nous permettre d'ouvrir une voie de notre voix au lieu de la fermer.
Ne pas voir
Fermer les yeux, pas pour éviter mais pour mieux les ouvrir. Décider d’où se porte le regard, de ce dont on décide de se nourrir ou pas, mais aussi de comment on choisit de regarder. Encore une fois prendre conscience des filtres présents sur notre regard pour mieux voir, regarder en soi pour faire le clair.
On dit souvent que les yeux sont le miroir de l’âme, mais l’âme vient au monde avec un passif, des blessures, et il nous appartient de faire le chemin de guérison qui n'a pu être fait et d'ainsi aller vers l’éveil et la paix.
Ce miroir qui nous sert à regarder le monde est teinté et ce que nous percevons par les yeux n'est pas plus objectif que ce qui sort de notre bouche. D’ailleurs on le dit, quand on est triste on voit tout en gris, quand on est heureux on voit tout en rose.
Les yeux regardent comme nous sommes en dedans, ils ne restent que des organes perceptifs qui interprètent une onde et la traduisent. Ils recomposent la réalité perçue à partir de ce qui est dedans, déjà en stock, à partir de la mémoire et au travers du filtre de l’expérience.
Les yeux sont une matrice qui recomposent ce que nous percevons à partir de ce que nous connaissons déjà, de ce à quoi nous donnons foi. D'ailleurs au départ l'image est inversée, ce qui est en haut est en bas. Les traditions nous disent que ce qui est en haut est comme ce qui est bas, le monde extérieur à l'image du monde intérieur, la question est donc bien de porter le regard au dedans pour mieux voir au dehors.
Savoir ce qui motive mon regard. Car lui aussi est un signal que l'on envoie. Qui ne s'est jamais sentis figé sous un regard accusateur? La façon dont on pose le regard sur le monde et sur autrui participera à ce que nous en expérimenterons, voir le créera.
Ainsi parfois il est plus judicieux de se bander les yeux pour percevoir de nouveau autrement. Percevoir. Percer et voir, percer les écrans pour redevenir perceptif, sentir ailleurs.
Parfois il faut fermer les yeux pour redevenir sentient et rouvrir les porte de la perception. Avant tout de la perception de soi. Cultiver le monde intérieur avant de se tourner vers l'extérieur.
Poser les mains sur les yeux pour regarder en dedans comment je suis fait, ce qui dirige mon regard ce qui me fais voir de telle ou telle façon. Ne pas regarder au dehors pour appréhender le dedans et pour ensuite, à partir de cette introspection regarder plus fort, plus clair.
Fermer les yeux pour illuminer l'intérieur et voir au-delà des filtres, à partir de l'âme..
Ne pas entendre
Savoir que toujours, on entend que ce que l'on veut et peut entendre. Se demander ce qui bouche l'audition, comment nous transformons le signal à partir de ce que nous sommes. Souvent nous n'écoutons pas, nous attendons notre tour de répondre. Nous percevons des mots qui activent des choses en nous, nous donnent envie de clamer notre vérité, mais nous avons occulté une partie du discours, trop occupés à attendre notre tour de parler. Nous n'écoutons plus, nous cherchons trop souvent les occasions de nous exprimer, au lieu de nous laisser pénétrer de la vérité de l'autre.
Nos oreilles contiennent le centre de l'équilibre, et dés qu'elles vont percevoir quelque chose qui remet en question cet équilibre intérieur ou extérieur, elles vont se boucher.
Nous n'entendons que ce que nous pouvons entendre, et cela dépend autant de notre structure interne que de qui parle. Nos jugements vont immédiatement teinter ce que nous entendons et l'accepter ou le rejeter, nous faisant passer de l'état d’écoute à l’état de réaction. Il arrive aussi que les mots qui nous parviennent activent en nous autre chose, des blessures et la c'est la charge émotionnelle qui nous bouche les oreilles, on le dit " je ne peux pas l'entendre".
Notre capacité d'entendre sera aussi conditionnée par l’émetteur, et le crédit que nous lui accordons ou la relation que nous avons avec lui. Quel enfant ne s'est jamais vu dire à son parent mais que celui-ci n'entende pas ? Quel employé ne s'est jamais vu signifier à son patron des informations que ce dernier ne considère pas ?
La façon dont on entend dépend en grande partie de nos jugements, de nos blessures et de ce qui est relatif à notre vérité.
N'avez-vous pas un papa ou un vieil oncle souffrant de "surdité sélective" ? Nous avons l'art et la manière de ne percevoir que les sons qui nous conviennent.
Les sons sont une vibration qui a un impact assez puissant en nous ils mettent en mouvement toute notre énergie et même d’après certains nos cellules et nos capacités régénératrices. Nous choisissons plus ou moins consciemment ce que nous pouvons entendre en fonction de ce qui peut entrer en nous de ce qui corrèle notre mouvement intérieur.
Alors parfois faire silence et écouter en soi ce qui bouche ou ce qui appelle peut permettre de redevenir auditeur et d'apporter un renouveau dans ce qui nous meut.
Les yeux, les oreilles et la bouche sont nos organes sensoriels principaux, ceux qui nous permettent de percevoir le monde et de nous y positionner, mais le système sensoriel est un système de captation et d’interprétation et nous interprétons à partir de ce qui a déjà été expérimenté à partir du référentiel de la mémoire et du fondement de l’expérience. Parfois il est essentiel de fermer ces portes pour rentrer en soi et questionner ce qui est déjà là et comment cela conditionne notre positionnement dans le monde et en nous-même.
C’est s'offrir l'occasion du silence et du calme pour peut-être retrouver un état d'alignement et d'ouverture.
Savoir que nos sens sont des machines à transformer et traiter des signaux, des fréquences. Se demander donc quelle est ma fréquence que suis je capable d'accueillir et revenir en dedans pour nettoyer, ouvrir et faire le clair.
Faire preuve d'honnêteté à chaque instant entrer en soi et prendre conscience de ce qui est posé sur nos perceptions, écouter le cœur, comprendre le mental, être bienveillant pour libérer.
Et finalement s'ouvrir, ne plus voir mais regarder, ne plus dire mais exprimer, ne plus entendre mais écouter. Se laisser pénétrer à partir d'un état de clarté intérieure.